laurence villevieille auteure

Éloge de la pertinence

La pertinence de ce qui advient ne se justifie pas à travers un raisonnement logique, donc mental. La pertinence de ce qui advient est intrinsèque, c’est-à-dire que si ça ne l’était pas (pertinent), cela n’adviendrait pas.

Reconnaître la pertinence de ce qui advient est le pas nécessaire menant à l’acceptation absolue de ce que la Vie me propose et permettant la rencontre du champ expérientiel de la proposition.

Lorsque ce champ expérientiel est confrontant, inconfortable, je suis naturellement tenté(e) de nier cette pertinence et quand cela ne se solde pas, en premier lieu, par un refus catégorique à vivre ce qui m’est proposé, la seconde étape du processus commence : mettre du sens.

Comprendre ...

laurence villevieille auteure

Cette tentative de mettre du sens, de la cohérence dans ce qui agite ma vie est motivé par le besoin de valider ce qui se présente. Elle émane du contrôle que je tente d’exercer, à chaque instant, en vertu de « ce qui devrait être », selon le point de vue de cette part de moi qui ne peut s’abandonner sans savoir.

Tenter de mettre du sens revient souvent à tomber dans le piège du temps. En effet, que fais-je d’autre alors, sinon essayer d’inscrire ce moment dans une ligne temporelle, en vérifiant, tout d’abord, qu’il est cohérent avec mon passé dont il est issu ? Puis, ensuite, en espérant provoquer un changement pour mon futur, si je parviens à extraire de cette expérience une compréhension supposée guérissante ?

A cette seule condition, j’accepte de tenter l’aventure, dans la croyance que ce qui est à rencontrer serait la compréhension attendue, nécessaire car justifiant l’expérience.

... L'histoire

Un autre piège se présente alors : mon histoire.

Embarqué(e) sur cette ligne de temps, c’est elle qui me sert de guide. Ayant trouvé le lien supposé relier l’expérience présente à mon passé, il semble alors évident que la clé, le sens, la compréhension seraient à rechercher à la racine, au moment où tout a commencé. Ce que je cherche alors, c’est à comprendre pourquoi je ressens ce que je ressens. Et là, le piège se referme.

Car, si la cause première est bien « située » dans mon passé, je me trompe complètement sur ce qu’elle pourrait être. Je ne cherche pas au bon endroit.

La cause première est identique à celle qui génère mes émois actuels : cette impossibilité à laisser vivre en moi « ce qui advient ».

Parce que « ce qui advient » n’est pas ce que l’on croit. « Ce qui advient » se présente toujours au cœur d’un décor, qui peut être mon histoire ou une situation particulière, mais n’est ni l’histoire, ni la situation. Ce qui advient est initié par ça mais n’est pas ça.

« Ce qui advient », c’est « ce que ça me fait » : une émotion, accompagnée le plus souvent d’une sensation physique. Un ressenti.

Or, de la même manière qu’aujourd’hui, je n’ai pas pu, par le passé, laisser vivre cette émotion, l’accueillir dans sa pleine légitimité, dans son absolue pertinence…

 

Alors, elle revient, accompagnée de toute l’histoire que j’ai construite autour, afin de lui donner malgré tout une place dans mon expérience. Une petite voix en moi me soufflait qu’elle était précieuse et que ce n’était qu’un rendez-vous manqué. Qu’elle reviendrait pour être vécue. Pleinement. Amoureusement.

Car « ce qui advient » n’a d’autre finalité que d’advenir, c’est-à-dire d’être vécu. Il n’y a pas d’autre objectif que de s’autoriser à ressentir « ce que ça me fait quand ça arrive ».

Alors, elle se présente à moi, une nouvelle fois, portée par un élan amoureux qui sait bien que ces retrouvailles sont inéluctables. Un jour. Peut-être aujourd’hui.

Le temps n’existe pas et ne joue aucun rôle dés lors que je suis déterminé(e) à vivre cette rencontre qui ne peut se produire que dans le moment présent. Je n’ai besoin ni de mon histoire, ni d’une quelconque compréhension, qui chercherait encore à justifier le bien fondé de ce qui se montre à moi. Je n’ai besoin que d’ouvrir mon cœur et m’abandonner à ce qui veut se vivre en moi.

Parce que c’est ce qui est là.

 

laurence villevieille auteure
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Tout goûter

Être lucide sur cette pertinence n’est pas essentiel puisque cela ne modifie en rien la validité intrinsèque de la situation ou de l’émotion. Cette lucidité est juste le marqueur d’un abandon consenti au flux de la vie qui ne peut, en réalité, se manifester qu’exactement comme elle le fait. Si cela pouvait ou devait être autrement, cela serait autrement.

Et puisque tout est pertinent, cela l’est aussi de rechercher une explication logique, une cohérence si c’est ce qui se présente. Tout prendre avec joie car tout est la vie, goûter ce que ça me fait, faire de la place et constater que cet accueil – qui a peut-être été consenti initialement dans un objectif de dissolution, de guérison (donc pour changer quelque chose en moi) – rend caduc le jugement porté au préalable : je peux tout aimer de ce qui me traverse et n’ai nul besoin de changer quoi que ce soit ; je suis assez vaste pour tout rencontrer. Il n’y a rien à changer mais tout à goûter…

 

© Laurence Villevieille – Avril 2020

Révision : août 2020